03/04/2014
Maroc

Le ministère délégué chargé de l'Eau compte passer outre la Cour des comptes

La
loi 10-95 relative à l'eau sera mise au goût du jour. Le nouveau cadre
législatif est presque finalisé et sera prêt en 2015, a annoncé un cadre
du ministère délégué auprès du ministre de l'Énergie, des Mines, de
l'Eau et de l'Environnement, chargé de l'eau, lors d'un atelier national
sur la gestion des eaux souterraines, organisé à Skhirat. Selon lui, il
ne s'agit nullement d'une révision ou d'une modification mais plutôt
d'améliorations apportées à certaines dispositions devenues désuètes. "Il
y a certains articles qui doivent être actualisés comme c'est le cas
pour les dispositions concernant le dessalement des eaux de mer ou les
eaux usées. Cela ne veut pas dire que cette loi est dépassée mais
quelques perfectionnements minimes s'imposent aujourd'hui"
, a précisé un cadre de la DRPE.

Pourtant,
loi ou pas, tout le monde est d'accord à considérer que la question de
la gestion de l'eau dans le pays demeure alarmante voire catastrophique.
Un constat qui n'a rien de nouveau puisque les experts n'ont cessé de
tirer la sonnette d'alarme depuis les années 1980. Une réalité que
confirme aujourd'hui le ministère de tutelle en indiquant que nos
ressources en eau sont encore confrontées à la surexploitation et à la
dégradation de leur qualité.

Le volume surexploité aujourd'hui est de
l'ordre de un milliard de mètres cubes par an entraînant la baisse
quasi-généralisée des niveaux piézométriques au niveau des principales
nappes du pays et la réduction des débits voire l'assèchement des
sources. En effet, pour les experts réunis lors de cet atelier, les maux
du secteur demeurent les mêmes depuis 1995, date de la promulgation de
la loi 10-95. Problèmes de gouvernance, manque de contrôle et de suivi,
carence réglementaire, résistances des usagers et la liste est longue. "On
a l'air de tourner en rond malgré les quelques avancées et progrès
réalisés ces dernières années qui sont, du reste, insuffisants vu l'état
désastreux de nos ressources hydrauliques"
, confie un responsable d'agence de bassin.

Comment
peut-on sortir du cercle vicieux ? Le ministère propose d'élaborer un
cadre visant le rétablissement d'un équilibre des eaux souterraines qui
passe par l'amélioration des connaissances et une évaluation des
ressources ainsi que la recherche des possibilités d'augmentation de la
recharge naturelle des aquifères. En d'autres termes, il faut engager
une nouvelle série d'études et de rapports qui vont certainement
engloutir d'autres fonds publics, en ces temps de vaches maigres où le
gouvernement est en train de serrer fortement la ceinture au commun des
mortels.

Une démarche qui ne fera pas le bonheur des juges de la Cour
des comptes qui ont épinglé en 2011 le recours injustifié à l'expertise
externe et aux études faites et remises sur le métier à plusieurs
reprises. À ce propos, ils ont recommandé aux responsables de ce
ministère de prendre les mesures adéquates afin d'éviter l'engagement
d'études dont l'objet et le contenu sont similaires et de veiller à la
mise en œuvre des contrôles requis avant de prononcer la réception des
études commandées. Mieux, la Cour a préconisé d'exploiter au maximum les
conclusions des études antérieurement commandées et réalisées.

Mais
qu'en est-il des solutions déjà proposées pour mettre un terme à
l'exploitation des eaux souterraines ? Qu'en est-il donc des contrats de
nappes ? Des recharges artificielles de celles-ci ? Et qu'en est-il du
contrôle des prélèvements ? Silence radio. Pourtant, les langues ont
commencé à se délier. Pour plusieurs experts, ces mesures ont montré
leurs limites. C'est le cas pour les contrats de nappe qui tardent
encore à donner leurs fruits. En effet, plusieurs contraintes ont
entravé une mise en application saine de cette mesure. À commencer par
la difficulté de définir un contrat-type en la matière. Conçu comme
accord technique et financier concerté portant sur la protection
qualitative et quantitative des eaux souterraines et la mise en place
d'une politique de gestion durable de l'aquifère, ses signataires
éventuels ne semblent pas avoir eu la même approche concernant ces
contrats. D'autant plus que le respect des engagements s'est révélé
difficile à atteindre faute de mesures réglementaires.

Un constat qui
en dit long sur l'absence d'une politique efficiente de l'eau au Maroc
susceptible de remettre en équilibre les aquifères ou du moins à
résorber leurs déficits.

Hassan Bentaleb, Libération (Rabat) – AllAfrica 27-03-2014